Une semaine après
C’est reparti. Par la
faute de Christos, enfin plus ou moins. Il a un projet grandiose, faire un film
sur Maroussia, une peintre polonaise… qui se trouve également être la femme de
son patron, comme c’est bizarre. Sincère ? Flagorneur ? Misons sur la
sincérité: le doute doit toujours profiter à l’accusé. Il aimerait que je me
charge du côté littéraire du reportage. Je me fais un peu tirer
l’oreille, ça ne me dit rien qui vaille. Il insiste, je finis par accepter.
Il commence très fort en m’imposant
le dimanche pour notre première visite. C’est le seul jour où je vends
-rarement- à la galerie. Je lui fais nettement comprendre que ça ne m’arrange
pas. Mais… Il ne peut pas les autres jours, et puis c’est l’affaire de deux
heures à peine, c’est tout près, ça me fera une pause etc… Je finis par céder.
Rendez-vous à Malaigues.
Re attaque assez forte ; il a
visiblement l’intention que nous prenions ma voiture. Je refuse, je ne l’ai pas
lavée depuis quinze jours et elle sent le chien. Soit. On y va avec la sienne.
Il fait beau etc… Arrivée chez Maroussia. Sympa. Ils
nous sortent des tableaux, encore et toujours… Passons sur la qualité que je ne
saurais juger mais le spectacle est impressionnant: ce sont des cadavres
qu’elle peint. Dire qu’elle se trouve juste à côté du Puits de Célas. Le doigt
de Dieu ? Qui sait ? Ca dure depuis trois heures et il y en a encore.
Je suis assommée. Je finis par casser l’ambiance,
avec le plus de délicatesse possible, en signifiant que je dois absolument
partir. J’ai rendez-vous avec un acheteur et je suis
en retard. On y va. Christos me dépose assez loin de ma voiture, il redoute
de se garer même une seconde devant le parking !! Soit. Je n’ai qu’à
courir le plus vite possible c’est tout. Je file à Anduze. L’acheteur ne vient
pas, -mais je suis en retard- ce n’est pas grave, tant pis.
… J’écris le script dès le soir, à
chaud, impressionnée. Un texte bizarre, le seul qui me vienne à l’esprit, par
moment ironique, le reste est élogieux, mais surtout je fais le lien évident
entre Maroussia et le Puits. Je l’envoie par mail à Christos après l’avoir
prévenu par messagerie sur son portable. Pas de réponse. Il ne l’a peut-être
pas reçu ? Je corrige un peu et le re envoie le lendemain après lui avoir
laissé un autre message.
Le lendemain, il m’appelle enfin.
Je suis en ville. Avec mon porte monnaie dans lequel il y a ma carte bleue et
ma carte vitale.
-- Oui, j’ai bien eu ton mail.
-- Les deux ?
-- Oui, en effet. Je ne t’ai pas
appelée parce que j’ai eu du travail à l’école (litanie sur ce qu’il a à faire
d’important qui lui pompe son temps etc… Ça peut durer…) Le texte ? Ce
n’est pas mal (air circonspect) mais il y a des choses à revoir évidemment…
A reprendre… (Ce n’est pas ça qu’il veut en fait.)
Impensable. Pas un merci, pas
une excuse pour ne pas avoir accusé réception et m’avoir imposé de l’appeler
trois fois… Et le clou, une exigence de « reprendre ». Et ce
ton !!! Vertige.
-- NON. Ou j’écris comme je veux ou
je ne n’écris pas. Personne ne m’a jamais censurée, ou alors je laisse tomber.
C’est faux. J’ai accepté de fort
bon gré les critiques de Guilleaud, de Dhase, de Chand, et de bien
d’autres… et Noces Kurdes par exemple a été repris trois fois. Mais c’étaient
des critiques d’une autre qualité, issues de tout autres personnages,
judicieuses, sincères et réelles, et toujours, mêmes dures, bienveillantes.
(Dithyrambiques en même temps pour ce qui est de Jean Claude.)
-- C'est-à-dire… (il se trouble,
j’ai tout de même gagné ça)… C’est très bien (air de vouloir me faire
plaisir)… Très bien même, mais… il faudrait recentrer…" Il me rappelle Nathan.
-- Non.
-- Ça pourrait être l’objet d’un
texte en effet, mais alors à part… Parce qu’il faut davantage faire la
promotion de Maroussia, tu vois, comme je fais d’habitude… Supprimer tout ce
qui n’est pas compréhensible, c'est-à-dire ce qui a trait à autre chose, au
Puits… Enfin moi je comprends, évidemment, mais il n’y a que moi qui
comprenne… (!) Il faut que ce soit plus général.
J’ai pris la précaution de
donner mon texte à quelqu’un d’extérieur qui a parfaitement compris. Il se fout
de moi.
-- Ça ne m’intéresse pas de faire
la promotion de Maroussia. Je ne suis pas critique d’art et ne le voudrais pas,
comme je te l’ai déjà dit du reste.
-- Mais de toutes façons, ce
n’est pas grave (!) on va retourner dimanche et on en discutera
calmement avec elle…
Incroyable: «ce n’est pas grave»
et «on va retourner dimanche» ! Il ne m’en veut pas en somme. Et on va
retourner dimanche. Comme si cela allait de soi. Et «on discutera
calmement avec elle !» Calmement. Elle aussi ne m’en voudra pas. Autant
dire on lui soumettra mon travail. Après premières modif, évidemment, qui vont de soi. Dans le
cas inverse, je n’aurais qu’à le reprendre.
Je raccroche. Je suis si humiliée,
si troublée, si enragée que j’en ai perdu mon porte monnaie. (Et encore cette
rage constitue-t-elle un progrès puisque je la ressens et l’exprime.
Autrefois, j’aurais été capable de «reprendre» en effet mon travail et d’
envoyer et ré envoyer un autre texte, dix fois peut-être, un peu mal à l’aise.
Seulement, un peu.) Je le retrouverai dans la poche de mon gilet. Je vais à mon
rendez-vous. Je mets entre parenthèse l’histoire, j’y parviens -mal- je
m’énerve après la vendeuse des télécom... Le soir, en rentrant, j’ai envie de
me fracasser la tête contre le mur. La rage qui m’envahit est soudain démesurée. J’ai envie
de le flinguer. De flinguer Marina. Et Frédérique, surtout Frédérique. Je me
fais peur.
Pourquoi les gens se
comportent-ils ainsi envers moi ?
Frédérique (« c’est embêtant
pour les repas »),
Sandrine (« ça vous fera un plus »),
Erwan (« heureusement que je
suis là »),
Nathan même, (« ce n’est pas
mal… Mais enfin on n’y comprend rien… »)
Magali (« je te corrigerai les
fautes »),
Anne lise (« il y a une erreur
sur vae victis »),
J’ai envie de hurler.
Je consens à prêter le jardin à
Sandrine -et à bien d’autres choses car ce n’est que le haut de l’iceberg- pour
un vernissage «très important», je balaie et ratisse à son intention: ça
vous fera un «plus»…
Je propose à Frédérique, au bord du
suicide, de venir la voir de Paris… Et elle se soucie des repas
supplémentaires qu’elle devra payer chez le toubib qu’elle remplace et me le
dit benoîtement (c'est moi qui le ferai).
Erwan qui m’occasionne maints
ennuis, se pose ensuite en défenseur… d’une bien aimée qui «a des
problèmes» (qu’il a suscités).
Je donne un texte à Nathan qui me
le demande, il le corrige en rouge et m’accable de ses
remontrances ensuite… (Mais lorsque Jean Baptiste en fera des éloges devant
lui, il changera son fusil d’épaule et approuvera chaleureusement !!)
Idem pour Magali: je te
corrigerai les fautes. Elle n’a aucune instruction et le livre est passé au crible des agrégées de grammaire de service
qui ont disserté avec une joie passionnée sur les deux ou trois supins
litigieux, et m’ont finalement demandé de trancher en avouant leur perplexité.
Idem pour Anelise, qui sur trois
cents pages, pointe seulement le vae victis !!!
Et le clou: je consens, après
hésitations -évidentes- à écrire un texte pour Christos en un temps record… et
il me demande (exige !) des modif, sans doute (?) pour mieux se
placer…
Je suis nulle.
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