samedi 10 novembre 2012

Scénariste cette fois



Une semaine après

C’est reparti. Par la faute de Christos, enfin plus ou moins. Il a un projet grandiose, faire un film sur Maroussia, une peintre polonaise… qui se trouve également être la femme de son patron, comme c’est bizarre. Sincère ? Flagorneur ? Misons sur la sincérité: le doute doit toujours profiter à l’accusé. Il aimerait que je me charge du côté littéraire du reportage. Je me fais un peu tirer l’oreille, ça ne me dit rien qui vaille. Il insiste, je finis par accepter. 
Il commence très fort en m’imposant le dimanche pour notre première visite. C’est le seul jour où je vends -rarement- à la galerie. Je lui fais nettement comprendre que ça ne m’arrange pas. Mais… Il ne peut pas les autres jours, et puis c’est l’affaire de deux heures à peine, c’est tout près, ça me fera une pause etc… Je finis par céder. Rendez-vous à Malaigues. 
Re attaque assez forte ; il a visiblement l’intention que nous prenions ma voiture. Je refuse, je ne l’ai pas lavée depuis quinze jours et elle sent le chien. Soit. On y va avec la sienne. Il fait beau etc… Arrivée chez Maroussia. Sympa. Ils nous sortent des tableaux, encore et toujours… Passons sur la qualité que je ne saurais juger mais le spectacle est impressionnant: ce sont des cadavres qu’elle peint. Dire qu’elle se trouve juste à côté du Puits de Célas. Le doigt de Dieu ? Qui sait ? Ca dure depuis trois heures et il y en a encore. Je suis assommée. Je finis par casser l’ambiance, avec le plus de délicatesse possible, en signifiant que je dois absolument partir. J’ai rendez-vous avec un acheteur et je suis en retard. On y va. Christos me dépose assez loin de ma voiture, il redoute de se garer même une seconde devant le parking !! Soit. Je n’ai qu’à courir le plus vite possible c’est tout. Je file à Anduze. L’acheteur ne vient pas, -mais je suis en retard- ce n’est pas grave, tant pis.

J’écris le script dès le soir, à chaud, impressionnée. Un texte bizarre, le seul qui me vienne à l’esprit, par moment ironique, le reste est élogieux, mais surtout je fais le lien évident entre Maroussia et le Puits. Je l’envoie par mail à Christos après l’avoir prévenu par messagerie sur son portable. Pas de réponse. Il ne l’a peut-être pas reçu ? Je corrige un peu et le re envoie le lendemain après lui avoir laissé un autre message.

Le lendemain, il m’appelle enfin. Je suis en ville. Avec mon porte monnaie dans lequel il y a ma carte bleue et ma carte vitale.
-- Oui, j’ai bien eu ton mail.
-- Les deux ?
-- Oui, en effet. Je ne t’ai pas appelée parce que j’ai eu du travail à l’école (litanie sur ce qu’il a à faire d’important qui lui pompe son temps etc… Ça peut durer…) Le texte ? Ce n’est pas mal (air circonspect) mais il y a des choses à revoir évidemment… A reprendre… (Ce n’est pas ça qu’il veut en fait.)

Impensable. Pas un merci, pas une excuse pour ne pas avoir accusé réception et m’avoir imposé de l’appeler trois fois… Et le clou, une exigence de « reprendre ». Et ce ton !!! Vertige.

-- NON. Ou j’écris comme je veux ou je ne n’écris pas. Personne ne m’a jamais censurée, ou alors je laisse tomber.

C’est faux. J’ai accepté de fort bon gré les critiques de Guilleaud, de Dhase, de Chand, et de bien d’autres… et Noces Kurdes par exemple a été repris trois fois. Mais c’étaient des critiques d’une autre qualité, issues de tout autres personnages, judicieuses, sincères et réelles, et toujours, mêmes dures, bienveillantes. (Dithyrambiques en même temps pour ce qui est de Jean Claude.)

-- C'est-à-dire… (il se trouble, j’ai tout de même gagné ça)… C’est très bien (air de vouloir me faire plaisir)… Très bien même, mais… il faudrait recentrer…" Il me rappelle Nathan.
-- Non.
-- Ça pourrait être l’objet d’un texte en effet, mais alors à part… Parce qu’il faut davantage faire la promotion de Maroussia, tu vois, comme je fais d’habitude… Supprimer tout ce qui n’est pas compréhensible, c'est-à-dire ce qui a trait à autre chose, au Puits… Enfin moi je comprends, évidemment, mais il n’y a que moi qui comprenne… (!) Il faut que ce soit plus général.

J’ai pris la précaution de donner mon texte à quelqu’un d’extérieur qui a parfaitement compris. Il se fout de moi.

-- Ça ne m’intéresse pas de faire la promotion de Maroussia. Je ne suis pas critique d’art et ne le voudrais pas, comme je te l’ai déjà dit du reste.
-- Mais de toutes façons, ce n’est pas grave (!) on va retourner dimanche et on en discutera calmement avec elle

Incroyable: «ce n’est pas grave» et «on va retourner dimanche» ! Il ne m’en veut pas en somme. Et on va retourner dimanche. Comme si cela allait de soi. Et «on discutera calmement avec elle !» Calmement. Elle aussi ne m’en voudra pas. Autant dire on lui soumettra mon travail. Après premières modif, évidemment, qui vont de soi. Dans le cas inverse, je n’aurais qu’à le reprendre.

Je raccroche. Je suis si humiliée, si troublée, si enragée que j’en ai perdu mon porte monnaie. (Et encore cette rage constitue-t-elle un progrès puisque je la ressens et l’exprime. Autrefois, j’aurais été capable de «reprendre» en effet mon travail et d’ envoyer et ré envoyer un autre texte, dix fois peut-être, un peu mal à l’aise. Seulement, un peu.) Je le retrouverai dans la poche de mon gilet. Je vais à mon rendez-vous. Je mets entre parenthèse l’histoire, j’y parviens -mal- je m’énerve après la vendeuse des télécom... Le soir, en rentrant, j’ai envie de me fracasser la tête contre le mur. La rage qui m’envahit est soudain démesurée. J’ai envie de le flinguer. De flinguer Marina. Et Frédérique, surtout Frédérique. Je me fais peur.

Pourquoi les gens se comportent-ils ainsi envers moi ?
Frédérique (« c’est embêtant pour les repas »),
Sandrine (« ça vous fera un plus »),
Erwan (« heureusement que je suis là »),
Nathan même, (« ce n’est pas mal… Mais enfin on n’y comprend rien… »)
Magali (« je te corrigerai les fautes »),
Anne lise (« il y a une erreur sur vae victis »),
et Christos à présent (« il faut reprendre et recentrer »)…
J’ai envie de hurler.

Je consens à prêter le jardin à Sandrine -et à bien d’autres choses car ce n’est que le haut de l’iceberg- pour un vernissage «très important», je balaie et ratisse à son intention: ça vous fera un «plus»
Je propose à Frédérique, au bord du suicide, de venir la voir de Paris… Et elle se soucie des repas supplémentaires qu’elle devra payer chez le toubib qu’elle remplace et me le dit benoîtement (c'est moi qui le ferai).
Erwan qui m’occasionne maints ennuis, se pose ensuite en défenseur… d’une bien aimée qui «a des problèmes» (qu’il a suscités).
Je donne un texte à Nathan qui me le demande, il le corrige en rouge et m’accable de ses remontrances ensuite… (Mais lorsque Jean Baptiste en fera des éloges devant lui, il changera son fusil d’épaule et approuvera chaleureusement !!)
Idem pour Magali: je te corrigerai les fautes. Elle n’a aucune instruction et le livre est passé au crible des agrégées de grammaire de service qui ont disserté avec une joie passionnée sur les deux ou trois supins litigieux, et m’ont finalement demandé de trancher en avouant leur perplexité.
Idem pour Anelise, qui sur trois cents pages, pointe seulement le vae victis !!!
Et le clou: je consens, après hésitations -évidentes- à écrire un texte pour Christos en un temps record… et il me demande (exige !) des modif, sans doute (?) pour mieux se placer
Je suis nulle.




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