mardi 6 novembre 2012

Différentes sortes de "fous"



Notes
 
Il y avait deux sortes de fous, les notoires, qu'ils le fussent ou non, tante Lise par exemple, reconnus devant l’Éternel, à juste titre ou non, (même s’ils étaient aussi aimés? en tant que fous) ma mère ensuite, et moi à présent… mais surtout les incognito, souvent pires car non détectés, Christophe notamment qui gaspille sa vie à des tâches saugrenues, inutiles et dangereuses, construisant avec une magnifique passion un superbe mur en pierre de taille… qu’il va devoir démolir sous peu. Mais il ne veut pas le savoir, cela dure depuis vingt ans, c’est du temps complet, alors qu’il a d’autres terrains où bâtir mais c’eût été trop simple pour ce grand costaud timide fou de travail. Un désir de reconnaissance ? Une dame d’argent de Roll Royce ? Je mure donc je suis ? Lâchement, je n’ai rien dit.
Quelle névrose –à la limite- pas forcément funeste parfois bien au contraire le pousse à s’acharner vainement sur une tâche qui a occupé sa vie entière depuis le nettoyage du ravin de cent mètres presque à pic, dangereux et exténuant, qui a duré trois ans, jusqu’au radeau qu’il a dû construire avec des matériaux récupérés à l’usine sur lequel il a chargé ensuite avec Luc l’énorme moteur censé lui monter l’eau de la Cèze qu’il avait lui-même bricolé et qui fonctionnait parfaitement,  après avoir dû débroussailler et niveler le talweg en bas de la rivière, voire par endroit l’élargir en créant à la pioche sur la roche un plat, avec pour finir, ce treuil impressionnant genre téléphérique qu’il avait réussi à arrimer tout en haut pour la dernière étape, ça a même été filmé tant c’était extraordinaire -et risqué- la seule obligation qui lui fut imposée étant que les pompiers soient présents lors de l’envolée, qu’il y ait un périmètre de sécurité vide tout autour… et qu’il enlève son «téléphérique» aussitôt le moteur monté, un travail aussi considérable que de l’installer. Les gens regardaient à la jumelle. Il a gagné ainsi une solide réputation de travailleur épique digne de la saga de Gösta Berling… mais aussi de fada. Yves n’a pas pu s’empêcher de m’interroger et a conclu: c’est un poète. Soit.

Pourquoi de ces travaux d’Hercule ? Personne n’a eu le courage de l’avertir qu’ils étaient vains, ce que les administrations lui avaient pourtant déjà confirmé. Du reste, il ne l’aurait pas cru… Le moteur marche mais ne pompe rien, évidemment, il lui apporte l’eau lui-même (!) en jerricans pour qu’il ne rouille pas, le soigne et l’hiver n’oublie pas de le couvrir de charpie. Il lui a même construit un abri à flanc de falaise qui ressemble au chalet de «La ruée vers l’or» de Charlot ; il a 51 ans à présent et une autre piste, Marina connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un, bref ça va s’arranger dans quelque temps…Ici, ce n'est pas grave et c'est même plutôt favorable. Mais il est des cas plus rudes.

Marina, logorrhéique toujours sur le même mode, elle (ou son fils) est «formidable, un talent fou que tout le monde jalouse, d’ailleurs les études qu'il fait sont les plus dures qui soient» etc… (Khâgne n’est pas mal non plus dans le genre.) Marina, un cas limite elle aussi. Qui écrit à la place de son mari une lettre d'insultes pour sa sœur dont elle veut le couper.. sans que celui-ci même averti quatre ans après ne réagisse. Un broutille, c'est vieux, on va pas se frapper pour ça. L'a-t-elle fait envers d'autres? jamais. Mais pensais-tu qu'elle puisse le faire envers Irène? Jamais. Alors? 
Or ces fous souterrains sont les plus dangereux car ils donnent le change, peuvent causer des dégâts et surtout rendre les autres réellement fous ou le faire croire à tous et d’abord à eux mêmes, ce qui parfois équivaut. Mon père était en un sens ainsi, peut-être moins lourd, culture oblige. Indétectable, sauf par moi et un cercle fermé qui se taisait, renvoi d'ascenseur… un peu moins à la fin de sa vie, période durant laquelle ma mère ne faisait plus écran.

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