dimanche 2 décembre 2012

coupure d'électricité. EDF (un)




Ce matin, rien ne va plus mais ce n’est pas grave. C’est même plutôt drôle. Le curé est venu. On a coupé l’électricité au Ranquet. Le courrier, évidemment. Depuis trois jours. Et il ne m’a rien dit depuis tout ce temps !
-- Mais pourquoi ne pas m’avoir téléphoné immédiatement lorsqu’ils sont venus ? Pourquoi les avoir laissés faire ? J’aurais réglé tout de suite par carte bleue, au téléphone, c’est simple, ça m’arrive tout le temps.
Réponse extravagante.
-- Oh, ça ne me gênait pas trop, je ne regarde plus la télé, alors… Et puis je n’avais plus d’unités sur ma carte de téléphone, alors...
-- Mais moi, ça me gêne, y avez-vous pensé ? Il y a un congélateur en bas. Pour vous économiser trois euros, vous m’en faites payer cinquante.
Non. Il n’y a pas pensé. Je suis assez fière de moi car je l’ai presque attrapé.
-- Vous payez une maison et une terre… le prix d’un studio. Ça vous arrange, moi aussi, soit, mais il faut m’appeler si quelque chose ne va pas… C’est la seule contrainte. Pas énorme. Sinon, ce n’est pas équitable. Il n’y a que vous que ça arrange. Moi, j’ai les mêmes emmerdements que si vous n’y étiez pas.
Il a répondu posément:
-- En fait, si, ça m’a gêné mais je ne voulais pas vous le dire pour ne pas vous vexer, j’avais peur de m’énerver. (!) Mais pourquoi ne pas avoir regardé votre facture ?
-- D’accord, je suis en tort sur ce point, mais c’est justement pour cela que je vous laisse la maison… Sous ces conditions, entre autres.
Il est parti, un peu perplexe, manger au Chou braisé (un restau bon marché) m’a-t-il dit, pour se remonter le moral. Et c’est encore moi qui me fais engueuler ! a-t-il observé en sortant… Il a raison… et tort à la fois. J’aurais dû payer, soit, mais est-il concevable que le gaillard ait vu sans réagir des types lui couper l’électricité… et n’ait rien fait ni sur le coup ni depuis trois jours ? Du reste, il n’est venu que pour voir son copain curé -qui, horreur absolue, est amoureux et envisage de se marier- c’est juste en passant qu’il m’a annoncé le scoop. Si je peux faire rétablir, il n’y a pas urgence mais ce serait mieux. Ce n’est certes pas à moi qui ne lis pas mon courrier de donner des leçons de normalité à quelqu’un, mais là tout de même…
Je ne suis pas mécontente d’avoir trouvé plus taré que moi mais en l’occurrence ça ne m’arrange pas. Etait-il déjà comme ça avant ou cela provient-il de son trauma crânien lorsqu'il cherchait Jésus et qu'il l'a trouvé au fond d'un puits.. où il a mariné quelque temps avant que les pompiers ne le trouvent?

Une idée me vient, funeste: si on venait cambrioler, s’il y avait le feu ou un événement du même ordre, me préviendrait-il  seulement ? Je crains que non, sauf, cas hautement improbable, où on lui aurait emporté une image pieuse ou un de ses petits tableaux gris cul cul qu’il encadre avec soin et maladresse. Pour le reste -la maie etc.. - il serait capable de me dire «je ne m’en servais pas donc ça ne m’a pas dérangé…» Son égocentrisme est incommensurable. Il me rappelle mon père. (Ont-il subi tous deux des traumas identiques autrefois ? Oui. Mon père, au cours d’une escalade, avait dévissé sur trente mètres, à dix-huit ans, et s’en était sorti par miracle, c’est peut-être là l’explication de son comportement ensuite.) Ce n’est pas qu’il soit égoïste, c’est pire: il ne voit pas les autres, tout simplement. Il n’y a là aucun calcul comme chez certains arrivistes impitoyables qui cultivent avec brio cette propension éminemment utile dans la vie. Chez lui, c’est instinctif -et cela ne va pas toujours dans le sens de son intérêt, ce qui est un signe-.

Il est d’une totale bonne foi, il faut seulement lui faire observer de manière itérative qu’il y a un paramètre qu’il a oublié, les autres. «J’existe». Il en convient alors, il n’est pas mauvais type, et en tient compte aussitôt (parfois même il s’excuse comiquement d’avoir oublié)… mais c’est si peu naturel pour lui que trois minutes après il faut recommencer à l’identique sur une autre question. Il fonctionne comme un enfant. Lorsqu’il est parti au Ranquet, ses bagages devant la porte, je lui avais demandé s’il avait bien rangé (son studio) et il m’avait répondu, souriant et satisfait:
Oui, j’ai bien mangé.»
Il ne lui venait même pas à l’esprit que présentement je me souciais moins de son estomac que de l’état des lieux qu’il laissait. Ai-je fait une si bonne affaire avec lui ? Le Ranquet est en des mains percées, pardon, Brite, je n’ai pas trouvé mieux pour la sauver, ta foutue baraque.

On rétablira lundi. Ça me coûtera 50 Euros. En représailles, je vais exiger qu’il tonde et surtout lui interdire de se chauffer au bois… Et récupérer la télé qui me manque en bas, puisqu’il ne la regarde «plus»… Il m’avait demandé de lui acheter un poêle, j’avais répondu évasivement ; c’est moins cher que le fuel, soit, et il y a sur la terre de quoi faire du stock, certes, mais… les peintures viennent d’être refaites en blanc pour éclairer la bâtisse assombrie par les cèdres et il est capable de tout noircir puis de me dire ensuite que ça ne le dérange pas du tout car il aime le gris, je commence à connaître le personnage. Télé, tonte et statut quo pour le chauffage, je n’y aurais pas trop perdu, tant pis pour lui. Peut-être a-t-il déjà tondu du reste, c’était dans ses intentions, rarement suivies d’effet mais on ne sait jamais. (Suite de la saga ici)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire